Nous rejoignons Jacques dans son chalet de rondin perdu au milieu de la forêt. On se faufile par un petit chemin tracé dans l’épaisse couche de neige avant de découvrir sa maison. Du silence, parviennent des aboiements comme de longues complaintes de loup. Jacques possédait 80 chiens autrefois, lorsqu’il pratiquait les compétitions en chiens de traineaux. Il a été contraint de se séparer de ses fidèles compagnons, qui l’ont accompagné sur des milliers de kilomètres ici en Alaska, mais aussi en France et au Kamchatka. Il entretient aujourd’hui une dizaine de chiens pour pratiquer le skijoring, discipline nordique qui consiste à se faire tracter par une ou plusieurs bêtes en utilisant des skis de fond.
Nous faisons connaissance avec nos amis qui nous sautent dans les bras, à peine arrivés dans l’enclos. Certains sont affectueux, d’autres plus turbulents, les timides et les peureux restent un peu en retrait. Tout ce petit monde est bien content d’être libéré de la chaine qui les retient autour de leur niche. Ça courre, ça saute, ils savent qu’ils vont pouvoir se dégourdir les jambes sur les longs chemins qui serpentent dans la montagne.
Petit entrainement autour de la maison avant de partir dans la forêt. Une fois l’équilibre trouvé nous donnons l’ordre au chien de s’élancer. C’est parti pour une longue balade sur ces petits chemins bordés de sapins, éblouis par ce décor merveilleux. Des boules de coton sont posées sur les branches, tout est intacte, immaculé, seules quelques traces de Caribous traversent notre piste.
Le chien prend sa vitesse de croisière et la sensation de glisser lentement derrière lui, en se faufilant à travers les arbres est très agréable.
Le chemin se resserre, il faut se courber pour passer sous les branches. Nous longeons un lac endormi et gelé. Le soleil apparait soudain dans cette clairière et illumine ce décor de cinéma. Dans ma tête, des rêves de grands raids avec ces chiens comme seuls compagnons. Des jours et des jours à sillonner ces espaces vierges, intouchés, en croisant des caribous, des élans, des renards, mais aussi des ours.
Nous devions partir pour plusieurs jours, mais le temps incertain va nous obliger à revenir au camp de base.
Il nous faut reprendre la route, revenir à Anchorage avant de voler vers une nouvelle destination.
Le temps se gâte et la neige arrive. La route disparaît, recouverte par un manteau blanc. Garder la trace, rester sur la piste. Tout se complique, le vent s’engouffre dans les canyons et traverse la route en rafales. Des panaches de neige s’envolent et rasent comme des serpents notre piste. Des heures et des heures, dans ce monde glacé. La vigilance est de mise.
Nos adversaires ont pris la route. Les monstres d’acier sont lancés à près de 100 km/h sur la blanche chaussée.
Leurs gyrophares clignotent et percent la brume. Ils projettent dans les airs d’impressionnantes tornades de neige, hautes de plusieurs mètres. Ils sont plusieurs, trois, ils se suivent de près, quelques centaines de mètres les séparent et tour à tour, ils élargissent la route.
Anchorage apparaît dans la tempête, ensevelie, elle aussi sous la neige. C’est l’hiver et ici on se bat contre les éléments.
Demain nous essayerons de nous envoler vers Kotzebue, un village inuit en mer Arctique au-delà du cercle polaire. Si le temps nous le permet ! « it will depend on the weather », comme on a l’habitude de dire sous ses latitudes !
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