Voilà plusieurs semaines que le fameux passage du Drake, entre le Cap Horn (56° sud) et l’Antarctique (62° sud) rugit de ses dépressions.
C’est en 1616, que le hollandais Willen Schouten, est le premier à franchir ce passage entre l’Atlantique sud et le Pacifique sud. Il contourne l’ile la plus sud du continent américain et lui donne le nom de Horn, la ville d’où est partie son expédition. Francis Drake, marin et corsaire anglais, est le premier à imaginer que ce passage va devenir une route maritime des plus importantes.
Un resserrement, un étranglement dans le grand océan Australe. L’Amérique du sud se termine par la Terre de Feu et le célèbre Cap Horn, et à plus de 800 km, dans le sud, les premières iles de l’Antarctique, les Shetland du Sud. Toutes les houles du Pacifique se retrouvent ici. Elle se croisent, enflent sur le plateau continental et prennent des proportions dantesques.
Pendant plusieurs siècles ce passage va voir passer de nombreux bateaux à voiles, des grands voiliers, 3 mats, 4 mats. Venant de l’Europe, ils emmènent avec eux les migrants qui vont à la conquête de l’Ouest. Voyage supposés être moins dangereux que la traversée de l’Amérique par la terre menacée par l’attaque des indiens sur les convois. Les pauvres passagers ne se doutent pas de la fureur du vent, de la rudesse de la mer, de ses vagues géantes qui viennent se briser sur le fameux Cap Horn. Certains bateaux mettent plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant de le franchir. Les voiles en lambeaux, les mats brisés sont monnaie courante. Les navires partent à la dérive et les iles Falkland recueillent ces vaisseaux anéantis. Ce n’est qu’au début des années 1900, que la vapeur facilitera le passage des bateaux et plus tard en 1914 le canal de Panama fit oublier ce passage tristement célèbre.
Aujourd’hui, le Horn garde la même réputation. On l’aborde avec respect, on s’en méfie. Il est connu pour être la porte de sortie des grandes courses autour du monde, comme le Vendée Globe, le soulagement après des semaines dans les mers du sud. D’autres veulent le prendre à l’envers, et comme on l’a vu dernièrement avec le trimaran « Use It again », il est prêt à les renvoyer dans les cordes, à les briser sur les récifs.
Quand on envisage une expédition en Antarctique, c’est le passage obligatoire. Trois à quatre jours de traversée. Cela semble dérisoire, à peine 450 milles nautique, 800 kilomètres. Mais attention, danger ! Se mettre dans la gueule du loup, c’est se faire chavirer par une déferlante, mat brisé, coque percée. Plusieurs voiliers en ont payé les frais.
Il faut s’armer de patience, prendre la bonne fenêtre météo. Les dix dernières années ont vu une nette amélioration de ces prévisions météo. On a une meilleure vue à plusieurs jours.
Quand le bateau est prêt, les vivres embarquées, on décide d’un départ. Il peut être repoussé de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, comme en ce mois de février. Pour nous c’est un départ décalé de deux jours seulement. Nous les passons à l’abri dans la dernière ile argentine du canal Beagle, à une cinquantaine de milles du Cap Horn. A bord tout est préparé, tout a été pensé pour ne manquer de rien. Nous sommes prêts à vivre en autonomie pendant plusieurs semaines, un plein de légumes et de fruits frais, un mouton accroché au hauban, des chaufferettes pour insérer dans mes gants quand je cesse de filmer et nous larguons les amarres. C’en est fini de la civilisation et du monde moderne, on range les cartes bleues et les téléphones. Nous n’avons pas d’internet à bord, juste un iridium qui me permet de recevoir les mails urgents et d’envoyer à Victor notre équipier à terre, les posts qu’ils relaient sur notre site et sur les réseaux. Le soleil brille, le ciel est d’un bleu limpide, je regarde la terre disparaître dans notre sillage et je remercie la mer de m’apporter tant de joie.
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