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  • Photo du rédacteurGéraldine Danon

31 Mars - Cordova

Nous laissons nos fjords englacés dans notre sillage pour rejoindre le port de pêche de Cordova.



La ville est isolée. On ne peut y accéder que par avion ou par bateau. Dans les années 80, une route a été construite pour relier l’axe routier qui parcours l’Alaska. Un pont imposant fut érigé pour traverser la Cooper river, mais quelques jours seulement, après son inauguration, une crue a emporté l’ouvrage et l’a totalement détruit.


Celui qu’on a nommé le « One million dollars bridge », n’a jamais été reconstruit, isolant à tout jamais Cordova des grandes villes.


Nous arrivons en pleine crise du Corona virus. Les restaurants sont fermés, quelques boutiques et le super marché fonctionnent encore. Les gens s’organisent avec des masques, et des parois en plastique transparent au comptoir. Dans les magasins ils restent accueillants mais ne s’approchent pas de trop près, chacun commence à prendre conscience de l’épidémie et l’Alaska pourtant loin des grands centres, est elle aussi touchée. Nous respectons les règles de proximité et évitons les rencontres.


L’équipage d’un bateau revenant par avion du Canada, est en quarantaine, avec l’interdiction de descendre à terre.

Nous avons rendez-vous avec un scientifique du centre de recherche, le « Prince William Sound Science Center », pour parler du travail entrepris dans cette biosphère qu’est le Prince William Sound. Cette association s’occupe de la préservation de toute la baie. Elle a vu le jour quelques années avant la catastrophe de l’Exxon Valdez. Depuis, les scientifiques étudient le faune et la flore sous-marine, et tentent de comprendre pourquoi certaines espèces comme le hareng n’arrivent pas à retrouver leur équilibre. « Certes on ne disposait pas de données précises ni de comptage avant la catastrophe, mais on a rapidement fait un état des lieux des oiseaux, des poissons et des mammifères morts. Un groupe d’orques habitant la baie a disparu, englué par le pétrole. Heureusement les baleines n’étaient pas revenues des tropiques au mois de mars, les populations de pêcheurs ont été également touchées par cette terrible marée noire, les poissons ayant été grandement disséminés.» nous explique le scientifique.


Comme nous avons pu le constater, cette région est particulièrement riche, la beauté de ses paysages est infinie et l’exceptionnelle chaine alimentaire va du hareng à la baleine.

Aujourd’hui, beaucoup d’actions sont tournées vers la protection de cet océan intérieur et particulièrement la sensibilisation des enfants.


Nous aurions volontiers fait un peu de ski, car la ville est équipée d’un petit télésiège et de pistes de ski, mais tout est fermé à cause du virus. Nous faisons un plein de nourriture et levons l’ancre puis appareillons vers Kayak Island et Icy bay, des endroits sauvages où l’on ne devrait pas rencontrer grand monde.

Une dépression balaye le golfe d’Alaska, nous trouvons refuge dans un fjord où sont stationnés un remorqueur et un tanker (vide) prêt à intervenir en cas de marée noire, une mesure préventive. Le vent souffle fort, il nous faut attendre des conditions favorables pour poursuivre notre route.

Un pêcheur au mouillage nous offre des calamars tout en nous prévenant qu’il est strictement interdit de monter à bord.



Sur le rivage quelques biches nous observent, aériennes, elles scintillent dans la lumière du soir. Nous avons repéré un souffle de baleine. Je filme. Un rayon de soleil rasant la mer devenue noire m’éblouit. A l’étrave, mes filles se dessinent en ombre chinoise, leurs profils dansent dans le bleu du ciel. Quelques lions de mer nous escortent. La baleine nous gratifie d’une queue aérienne qui ondule dans le rayon de clarté, des particules luminescentes au relief indéfini valsent au sein de la pyramide dorée.

A mesure que nous avançons, le faisceau se brouille et la lumière semble vouloir s’échapper du cadre. C’est d’une douce poésie.

Vers 1H00 du matin je suis de quart, une pluie d’étoiles scintillent dans le ciel sans lune, comme si une fée avait jeté une poudre de perlimpinpin dans la voie lactée, lorsque soudain le ciel s'embrase par endroits, il devient vert puis jaune, flamboyant. C’est ma première aurore boréale, je réveille les enfants et nous restons là, dans la timonerie, silencieux, à guetter ces esprits qui dansent dans ce ciel magique. Les Indiens Tingit pensent qu’il s’agit de l’accueil au ciel d’un guerrier tombé au combat. Je fais un vœu, je rêve d’un monde nouveau où notre conscience vibrerait à l’unisson, tournée vers l’harmonie et l’amour de la nature. Une étoile filante traverse ce ciel enflammé, une larme de joie coule sur ma joue.



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