Des œuvres d’art
- Géraldine Danon
- il y a 5 jours
- 2 min de lecture
Vous êtes dans un musée d’art moderne, et devant vous, des œuvres uniques, des sculptures gigantesques. Le scénographe a recréé l’atmosphère du Grand Nord. Dans une salle où le soleil brille, vous les apercevez sur tout l’horizon. Au loin, très loin, les silhouettes dessinent de petits cubes posés sur l’eau. Plus près, ils sont là, à portée de main, la houle brise sur leur flanc et explose en gerbes d’écume. Ils brillent, transpirent, respirent.

Dans une autre salle, une atmosphère plus feutrée : la brume est maîtresse des lieux. Des formes vaporeuses se devinent dans une sorte de halo opalescent. La glace réfléchit le soleil, transperce ce voile de coton et dévoile indiciblement ses formes. Un bruit sourd, lointain, comme une rumeur, un orage résonne : la glace craque, le chant des icebergs.
Votre chemin continue dans ce décor polaire. Vous entendez l’étrave du bateau qui pousse la glace, se fraye un passage à travers ce champ de petits glaçons et de growlers. La houle vous ballotte ; elle fait s’entrechoquer, cliqueter, ces centaines de morceaux petits et gros qui roulent, s’enfoncent, disparaissent et ressurgissent dans un équilibre instable. C’est le brash.

Au Groenland, l’inlandsis recouvre 90 % de l’île, grande comme l’Europe. Sous le poids de cette immense calotte glaciaire, la glace s’écoule vers la côte, empruntant les fjords qu’elle a créés depuis des millénaires, érodant et emportant sur son passage la roche. Arrivé à la côte, le glacier flotte, craque, les icebergs se détachent et s’en vont flotter sur le grand océan.

C’est là que nous les retrouvons. Ils vont naviguer le long de la côte Est, emportés par le courant froid venant du pôle Nord. Ils vont jusqu’au cap Farewell, pointe sud du Groenland, puis remontent sur sa côte Ouest.

La magie que l’iceberg laisse dans son sillage : une œuvre éphémère, aussi fragile qu’instable et puissante. Une forme qui évolue au fil du temps, créée par l’érosion sous-marine. Puis vient le temps du déséquilibre, des chavirements, des fêlures, des cassures, des pans entiers qui se détachent, des grottes qui se forment, des piscines intérieures creusées par le ressac. Cette sculpture se façonne par elle-même. Elle est unique, singulière, elle ne ressemble en rien à sa voisine. Au soleil ou dans la brume, elle prend une couleur différente. Elle a même une odeur, une senteur de glace, un mélange de froid et de nutriments emprisonnés dans son cœur.
Jamais je ne me lasserai de contempler cette beauté que la nature nous offre. Elle existe pour vous seul. Elle disparaîtra. Elle vous aura appartenu le temps d’un instant.
Chers petits icebergs, vous m’envoûtez, vous me faites frissonner, je reviendrai vous voir encore et toujours.
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