Je rêverais d’être...
- Géraldine Danon
- il y a 1 jour
- 3 min de lecture
Je rêverais d’être une baleine, passer l’hiver aux Caraïbes et l’été au Groenland.

Ici, dans les fjords du Groenland, nous avons à plusieurs reprises observé des baleines. Elles viennent se nourrir de plancton et de petits poissons, qui prolifèrent grâce aux nutriments apportés par l’eau de fonte des glaciers. Elles croisent, souvent en couple : une maman et sa progéniture devenue adolescente, ou bien seules. On les découvre au large. Leur souffle puissant éjecte une vapeur d’eau. Ce panache est reconnaissable de loin, quand on scrute l’horizon. Nous approchons alors doucement afin de les laisser venir à notre rencontre. Nous observons leur respiration : plusieurs expulsions puissantes d’air remplissent leurs poumons de centaines de litres d’air frais, ce qui leur permet de rester plusieurs minutes sous l’eau, environ une dizaine pour les baleines à bosse — cela varie en fonction de la profondeur. Aujourd’hui, c’est un beau spectacle, avec en toile de fond des glaciers et des icebergs.


Après plusieurs respirations à la surface, on voit son dos qui s’arc-boute. Le corps part à la verticale vers les profondeurs et, dans un mouvement gracieux, sa queue émerge de l’eau avant de s’enfoncer dans la masse liquide. Le mouvement est sublime. C’est cet instant que l’on essaie de capter pour l’œil et pour la caméra. Cette nageoire caudale est très belle, profilée pour une efficacité parfaite, et dans le prolongement du corps de la baleine, elle lui donne toute sa puissance de propulsion. C’est aussi grâce à la photo de cette nageoire — sa partie inférieure blanche et tachetée — que l’on peut identifier chaque individu, comme une empreinte digitale. Aujourd’hui, une dizaine de baleines à bosse évoluent dans ce fjord.
Les rorquals que nous avons rencontrés l’autre jour ne sortent pas leur nageoire caudale, c’est moins spectaculaire.
D’où viennent-elles ? Quelle est leur migration ?

Pour le savoir, les scientifiques posent de petites balises sur le dos des baleines afin de suivre leur parcours. Ils collectent également, à l’aide d’une arbalète, un petit morceau de peau. Nous en avons rencontré l’autre jour à Tasiilaq : ils partaient à la chasse dans les fjords. Ils nous ont indiqué qu’un grand nombre de baleines — cachalots, globicéphales — circulaient dans cette région. En prélevant des échantillons de peau, et en procédant de même dans les mers chaudes, ils peuvent, grâce à l’ADN, établir des familles génétiques et retracer le parcours de ces grands mammifères marins. Ces prélèvements permettent également de connaître leur alimentation, les polluants, etc. Nous ne savons pas tout sur ces animaux ni sur leurs déplacements.

L’hiver dernier, nous en avons observé dans le nord de la Norvège. Il y a donc des populations — juvéniles, mâles non reproducteurs ou femelles non reproductrices — qui restent pour se nourrir dans le grand Nord en plein hiver, et d’autres qui vont se reproduire et mettre bas dans les eaux chaudes des Caraïbes ou le long de l’Afrique. C’est passionnant de savoir que, depuis des millénaires, ces créatures, pas si éloignées de l’homme — en tout cas des mammifères — savent où se nourrir et où se reproduire, en traversant tout un océan.
Elles ont longtemps été chassées. Ici, au Groenland, les populations inuites les tuaient pour leur alimentation. Cette prédation n’était pas très importante. Mais quand l’homme est arrivé avec ses bateaux baleiniers, il y a eu un massacre. Maintenant qu’elles sont protégées, elles peuvent espérer repeupler les océans. Je le souhaite !
Je rêverais d’être une baleine.
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