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Cap sur le Groenland

  • Photo du rédacteur: Géraldine Danon
    Géraldine Danon
  • 15 août
  • 6 min de lecture

Nous quittons Stornoway, dernier port de l’Écosse. C’est avec un manteau de pluie que nous avons sillonné cet archipel battu par les vents. Direction les îles Féroé à deux jours de mer. Le vent s’est essoufflé, la houle de l’Atlantique nous berce.


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Arrivés à la nuit dans la première île du sud, Suduroy, le décor est plus radical, plus extrême. Les falaises sont coupées au couteau, des parois de 800 mètres surgissent de la mer et forment des murs verticaux. Les fjords creusent les îles en dessinant de longs bras de mer.


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Ici, on élève le saumon et on cultive la moule. De nombreux ports de pêche accueillent les bateaux qui filent vers le large. La population est d’environ 50 000 habitants, et il semble agréable d’y vivre ; certains viennent en avion privé pour se mettre à la table de grands chefs qui y ont élu domicile.

Les infrastructures sont impressionnantes, avec de nombreux tunnels qui plongent dans la mer pour relier les différentes îles.

Nous sommes allés à la rencontre de Zoé, une fermière qui a pour objectif de préserver la race de chevaux la plus ancienne de l’île. Des chevaux adaptés aux pentes abruptes et aux conditions rudes de pluie et de vent. Petits et râblés, ils sont originaires d’Écosse et peuvent travailler dans les mines. Zoé tient à faire perdurer les traditions de ce pays qui ne cesse de se moderniser.

À Torshavn, la capitale, nous avions rendez-vous avec un grand chef étoilé qui utilise les produits locaux, les poissons mais aussi les herbes sauvages, qu’il va lui-même récolter dans les bois.

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Sur la petite île de Nolsoy, nous allons à la rencontre d’Alan, ornithologue. Il est danois d’origine mais vit ici depuis 40 ans. Il est tombé amoureux de ce paradis pour les oiseaux. Les falaises sont peuplées de macareux, de fulmars, de pétrels. Sa maison est un vrai musée, avec tous les oiseaux présents sur l’île, mais empaillés…

Aux Féroé, plusieurs fois par an, les habitants rassemblent dans une baie des globicéphales (pilot whales), un dauphin de plusieurs mètres, et s’ensuit un massacre intolérable. Les baies sont transformées en mare de sang. C’est une tradition qui permettrait aux habitants d’avoir une source de nourriture supplémentaire, en plus du poisson et du mouton.

On a du mal à croire qu’aujourd’hui, ce massacre ait encore lieu pour nourrir la population. À voir les rayons des supermarchés et la modernité des îles, cette tradition nous semble totalement hors du temps.

Nous avons posé la question fatidique à nos interlocuteurs sur ce que l’on nomme « le Grind ». À part le chef étoilé, qui ne sert pas de dauphin à sa carte, ni même de saumon d’élevage, ils soutiennent tous cette pratique. Quand on se prétend défenseur de la nature, que l’on aime les chevaux ou les oiseaux, pourquoi tuer des mammifères sous couvert d’une tradition qui n’a plus lieu d’être ? Ils seraient moins de 10 % à bannir cette pratique. Nous sommes bien tristes que les « Féroïens » fassent perdurer cette tradition hors du temps, à une époque où l’on se doit impérativement de préserver la nature.


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Nous quittons les Féroé et, à notre prochaine rencontre avec les dauphins, libres et amicaux, nous aurons une pensée pour leurs frères et sœurs massacrés de façon honteuse dans ces îles pourtant si belles.

Nous mettons le cap sur l’Islande, à plus de trois jours de mer. Derrière nous, les falaises vertigineuses enveloppées dans la grisaille qui, comme des ombres chinoises, dessinent des éperons face aux tempêtes.


Nous allons d’ailleurs en subir une de ces tempêtes. Force 8, vent de travers et grosse mer. La Fleur glisse, se cabre, gîte et s’envole sur les crêtes qui écument, les vagues qui déferlent. Deux ris et trinquette. L’équipage est bousculé, malmené et la bannette est le meilleur endroit pour laisser passer ce chaos.

Les côtes de l’Islande se dessinent au loin, le vent faiblit, mais la mer reste grosse. Il nous faut contourner la pointe N.-E. et rejoindre le port d’Husavik, car une autre tempête se prépare au large. Ici encore, les montagnes sont impressionnantes. Les fjords s’engouffrent dans les paysages volcaniques. Les glaciers ont façonné les grandes vallées. Les sommets sont enneigés et les cascades se jettent dans la mer. L’eau prend des couleurs pastel, d’un vert délavé.


Nous avons rendez-vous avec Belen. Elle a créé une association pour la protection des océans, « Ocean Missions ».


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Elle veut informer, éduquer la population, les jeunes, à la richesse de l’Islande et de sa mer. Une île tournée résolument vers la mer. Elle vient de créer une zone de protection pour les baleines, entre Husavik et Akureyri. C’est en effet ici qu’elles viennent se nourrir. Dans ces baies, l’eau qui provient de la fonte des glaciers transporte des nutriments qui favorisent le développement du plancton. Belen étudie et récolte les déchets plastiques que l’on trouve en mer et sur les côtes. Avec son voilier, elle va jusqu’au Groenland et en profite pour étudier le bras de mer, le Denmark Strait, traîne des filets pour récupérer les micro-déchets plastiques. Une belle initiative que nous saluons.


Nous passons par le musée du hareng. Dans les années 1940-1950, le port ne vivait que pour le hareng. Pêché le long des côtes, une flottille de bateaux rapportait le poisson qui était séché et salé avant d’être expédié vers l’Europe, principalement l’Espagne. Au retour, les bateaux remplissaient leur cale du sel indispensable à la conservation du poisson. Avec le réchauffement des eaux, le poisson a migré vers le nord de la Norvège, où les orques viennent s’y régaler.

Le lendemain, nous rencontrons un scientifique en charge de plusieurs secteurs de recherche sur l’Arctique. Il étudie tout ce qui est relatif au changement climatique, allant des micro-organismes aux baleines, en passant par les plantes : changement, adaptation, survie. Il sera évidemment présent à la conférence sur l’Arctique qui va se tenir à Reykjavik en septembre.



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Le Groenland nous attend désormais. Depuis plusieurs jours, le capitaine étudie les fichiers météo. Il est très pessimiste au vu des prévisions. Une dépression semble vouloir s’installer et se creuser sur la zone, générant des vents violents, une grosse tempête. Les différents modèles ne sont pas tous d’accord, signalant une différence significative dans le creusement de cette dépression.

Patience ! « À trop regarder la météo, on reste au bistrot ! », dicton breton ! Mais la situation tourne à notre avantage et nous profitons d’une fenêtre météo favorable pour lever l’ancre.

Une dernière escapade dans le fjord pour observer les baleines.

Elles sont au rendez-vous. Avec la pleine lune qui se lève, le spectacle est réjouissant, nous sommes accueillis par un ballet de baleines à bosse qui ondulent sur la mer dorée.


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Notre attirance pour les régions polaires nous conduit encore vers le Groenland. Si nous avons exploré la côte ouest par deux fois, remontant jusqu’au 80e nord, la côte est nous est inconnue. Nous la savons très glaciaire, refroidie par le courant polaire qui vient du nord et descend jusqu’au cap Farewell, extrémité sud du Groenland. Il emporte avec lui les icebergs et la banquise. Sa température est d’environ 3 °C.

En milieu d’après-midi, le capitaine lance : « Iceberg droit devant ! » Nous sommes surpris de découvrir ce monstre de glace si tôt dans notre traversée, à seulement 70 milles des côtes de l’Islande. Le temps est beau et le vent léger. Nous en profitons pour l’admirer de près et sentir son odeur si particulière, la subtile fragrance d’une eau douce congelée depuis des centaines d’années. Il descend vers le sud, à la rencontre du Gulf Stream, qui le fera fondre lentement.


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Les enfants sont sur le pont, emmitouflés. Ils aiment plus que tout croiser ces œuvres d’art façonnées par le temps, les siècles, le vent, la houle qui vient lécher ses entrailles. Je l’écoute transpirer : il craque, se hérisse, frissonne…

Des centaines d’oiseaux se reposent sur sa tranche, qu’illumine un furtif rayon de soleil. Des fulmars s’envolent quand nous l’approchons et le ciel s’obscurcit soudain. La glace est striée, les couleurs oscillent du bleu profond au blanc pur. Objet unique, insolite et puissant, rien que pour nos yeux ébahis ! Demain, il aura peut-être chaviré, dévoilant une tout autre perspective. Nous en croisons d’autres : autre taille, autre forme… Tels des êtres à la beauté unique qui nous émerveillent au plus profond de nos âmes.


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