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Haute tension dans la timonerie de Fleur Australe

Photo du rédacteur: Géraldine DanonGéraldine Danon

Philou compulse les fichiers météo depuis plusieurs jours. Les séries de dépressions qui circulent sous nos latitudes sont violentes et engendrent des tempêtes comme celle que nous avons essuyé il y a deux jours au mouillage. Une dernière est encore présente dans la région, il faut surveiller son évolution et être vigilants car la zone est remplie de récifs et d’icebergs.



Le capitaine scrute le ciel, les nuages, le vent, le baromètre et prend la décision de lever l’ancre tout en sachant qu’il y’a encore du mauvais temps à l’extérieur de la baie Marguerite. La haute montagne de l’ile d’Adélaïde, contribue à accélérer le vent à l’approche de la dépression. Il y aura un front actif à passer avec des vents forts, mais après, cela semble s’apaiser et nous permettre de gagner vers le nord le long de la péninsule.



C’est une longue étape que l’on doit effectuer pour rejoindre la base ukrainienne de Vernadsky dans les iles Argentine, une navigation de plus de 270 milles. Il ne faut pas se louper, car il faut composer avec la nuit qui gagne du temps rapidement à l’approche de l’hiver, les icebergs, et la neige qui va nous réduire la visibilité.


La traversée de la baie se déroule tranquillement, et nous savourons les dernières images fortes des montagnes englacées. Le sud de l’ile Adélaïde se dessine sous un voile blanc opaque, sinistre. Nous doublons L’ile Avian, la forte houle brise sur les récifs alentours. Le vent reste calme sous le vent de l’ile et ses montagnes de plus de 2000 mètres. Nous savons que ça ne va pas durer, la voilure est réduite, 2 ris dans la grand-voile et la trinquette enroulé à moitié. Nous avons tout rangé à l’intérieur. La forte houle est croisée, creuse et très désordonnée. Nous franchissons les derniers récifs et la nuit nous enveloppe. Les premières rafales arrivent, violentes. Le bateau penche et avec la vitesse nous percutons la houle qui arrive de face. Nous plongeons littéralement l’étrave dans la vague. L’eau parcourt le pont et balaye les bonhommes de neiges de Laura et Marion qui filent à la mer.



Le vent forci, Philou règle les voiles, choque la grand-voile pour soulager le bateau. Marion qui s’est endormi dans la timonerie est nauséeuse. Le vent grimpe et atteint 40 nœuds. C’est rude, le bateau s’envole et retombe lourdement. Les vagues sont courtent. Le bateau est complètement submergé par une eau lourde. Philou s’agrippe dans la timonerie. Il a enfilé son ciré, sort régler les voiles. Le phare du projecteur éclaire la mer mais son faisceau est envahi de flocons de neige. Tout est blanc, ça déferle en de long manteau d’écume. Derrière les vitres les essuie-glaces balayent le grésille. C’est féérique, de toute beauté mais très angoissant.



A chaque assaut j’ai l’impression qu’on va chavirer, j’étarque la toile antiroulis pour que Laura ne tombe pas de sa bannette, elle subit sans broncher, accrochée tant bien que mal à son duvet, serrant les dents à chaque offensive. Il faut garder un œil sur les instruments, l’autre sur le radar et le troisième... à scruter la surface à la recherche d’un point blanc qui indiquerait un growler. Pas facile, tout est blanc. L’un des projecteurs, mal vissé, bascule à chaque vague et éclair le ciel. Pas question d’aller à l’avant sur l’étrave. Cela va durer plusieurs heures, le vent oscille entre 35 et 45 nds. Nous attendons le passage du front.


Nous savons que le vent va tourner, mais quand ?


Il amorce sa bascule vers le nord-ouest. C’est bon signe mais pour le moment c’est dur. Le bateau souffre et l’équipage aussi. Il n’y a pas de répit à ce matraquage, à ces coups portés, nous sommes comme des boxeurs, nous encaissons. La Fleur est prévue pour ce genre de navigation. Rester dehors à barrer serait très dangereux. La timonerie nous met à l’abri des vagues glacées qui déferlent sur le pont. Les projecteurs sur l’étrave permettent de détecter à temps la glace. Sans eux, il serait impensable de naviguer ici en pleine nuit. C’est pour ça que l’on peut se permettre de venir dans le sud, si bas en latitude, en cette saison.



Le vent continu sa rotation et finit par mollir un peu en cours de matinée. Philou vire de bord, cap au nord-est. La mer est encore forte mais on respire, on souffle. Au petit matin nous croisons un iceberg. Les vagues éclatent sur ses parois et le submerge. A ses pieds, dans les remous, des otaries jouent en toute liberté. Facile pour elles ! Et nous, pauvres manchots emmitouflés dans notre carapace de veste chaude et de ciré, sur le pont de notre navire fatigué par la nuit tourmentée, nous admirons ce spectacle de la nature sauvage des hautes latitudes polaires.




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