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  • Photo du rédacteurGéraldine Danon

Prisonnier de la glace : Le Gullet Passage la suite

Nous suivons les orques dans le pack, ils traquent un phoque. Leur aileron dorsal fend la mer de velours parsemée d’épais nuages blancs. Chaque apparition dans un souffle sonore qui fait frémir la mer, nous comble de joie.



La visibilité est impressionnante, les montagnes se dessinent très loin à l’horizon. La pureté de l’air donne une autre dimension au paysage, comme nulle part ailleurs. C’est la magie des hautes latitudes. Il faut monter au nid de pie, prendre de la hauteur pour scruter une éventuelle nappe d’eau libre à l’horizon.



Philou est anxieux, concentré. Peut-on continuer dans ces conditions ? Sur la carte nous avons progressé dans la bonne direction de plus de vingt milles. Il en reste presque autant pour espérer trouver l’eau libre. Il calcule le temps qu’il faudrait pour passer cette zone qui nous devance et celui du chemin de retour avant que la nuit vienne. La décision se prend d’elle-même car nous nous heurtons à un mur infranchissable.



Depuis le nid de pie, on ne voit rien à bâbord ou tribord qui puisse nous offrir une chance de passer dans ce pack serré, pas la moindre polynie (nappe d’eau libre). Après quelques minutes de réflexion, nous faisons marche arrière en espérant que la glace ne se soit pas refermée sur notre passage. Sage décision. J’aurais bien poussé un peu, mais je sais que le capitaine à raison. Nous retrouvons notre route et malgré la glace qui bouge sans discontinuer, nous arrivons à nous frayer un passage dans ce lacis inextricable. Nous cassons de jeunes plaques glaces. Un bruit continu de déchirement résonne dans le bateau.



« Regarde, l’eau commence à geler. C’est signe que l’hiver arrive », me glisse Philou


Un gros bouchon nous oblige à forcer la glace. C’est angoissant. La Fleur craque et gémit sous la pression de la dame blanche, sa coque vibre. Philou se débat, pousse le moteur à fond pour dégager lentement les plaques. Il veut passer entre ce qu’il prend pour deux growlers.



Laura est à l’avant, elle photographie ce chaos immaculé. Soudain le gros bloc de glace bascule sous la poussée du bateau et soulève l’étrave d’environ deux mètres. La Fleur bascule en arrière. Laura manque tomber, elle se cramponne aux filières. Nous réussissions à passer et trouvons une zone libre dans ce pack serré. Encore quelques milles et nous serons sauvés, c’est un véritable chemin de croix.



La coque du bateau est résistante, surdimensionnée, le moteur est puissant, il y a des cloisons étanches, mais ce n’est pas un brise un glace, notre Fleur Australe a ses limites qu’elle est entrain de dépasser.


Après une rude journée de navigation, Le Gullet est enfin derrière nous, j’aperçois la glace véritable mante religieuse, qui se referme sur notre sillage. La glace est une déesse fatale et dangereuse.



Il nous faut rejoindre un abri au plus vite car un coup de vent est prévu pour demain, 50 nœuds. Philou est à la barre depuis 5h00 du matin, à la lueur du projecteur il se faufile entre les growlers et les icebergs. A trois heures du matin, à l’abri de l’ile Pourquoi Pas, nous mettons la Fleur en panne, moteur éteint et voiles affalées. La zone semble claire et nous nous s’octroyons un peu de sommeil.



9h00 nous relâchons à Horseshoe, le mouillage est bon, une barre rocheuse protège l’entrée des icebergs. Le vent se lève, des rafales à 40 nœuds. Il neige. Nous allons sagement attendre avant de remonter vers le nord.



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