Périple polaire - Partie 1
- Géraldine Danon

- 23 août
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 août
La côte Est du Groenland est alimentée par le courant polaire venant du pôle Nord. Tout au long de sa côte de 1500 milles (2000 km), c’est une zone que l’on peut appeler glacière. Elle est beaucoup moins peuplée que la côte Ouest, et beaucoup plus rude. La glace de mer rend également difficile l’accès par bateau. Des centaines de glaciers, venant de la calotte glacière, l’Inlandsis et ses 3000 mètres de glace, vêlent des icebergs de grande taille.
C’est cette partie du Groenland que nous explorons.

Après un peu moins d’ une journée de mer au départ de l’Islande, à 70 milles des côtes, nous rencontrons notre premier iceberg. C’est une surprise ! L’eau qui a une température de 8°C en Islande, est passée à 3°C. Nous sommes bien dans le courant froid polaire.
300 milles nous séparent des côtes groenlandaises. Nous en rencontrerons plus d’une dizaine sur notre route.
La brume nous enveloppe, et la veille à la barre, à surveiller les icebergs et les growlers est attentive. L’équipage se relaie. La nuit n’est pas très longue, quelques heures et la pleine lune éclaire notre route. C’est une joie de retrouver ces monstres de glace. Les conditions de vent sont bonnes, et nous pouvons nous approcher et frôler ces cubes façonnés par la houle et érodés par une eau au-dessus de zéro. C’est d’ailleurs par le bas, la partie immergée, que ces blocs fondent, changent de forme en perdant leur équilibre puis chavirent. Ils laissent apparaître alors des sculptures aux formes arrondies, ou tranchantes à la suite du détachement d’une partie de la bête. On les croirait posés sur l’eau, tels des blocs de « klégecel », mais il n’en est rien, car les 9/10 sont immergés.

Nous approchons de la côte de Blosseville. C’est une portion de la côte Est, au sud du Scoresby Sund. Elle fut observée pour la première fois par le français Jules Poret de Blosseville en 1834 à bord de la Lilloise. Malheureusement, le bateau et l’équipage ont disparu en mer lors d’un deuxième voyage sur cette côte.

La communauté de chasseurs esquimaux de la région d’Ammassalik, ne fut découverte qu’en 1884 par le Danois Gustav Holm. 413 individus vivaient en autarcie, se nourrissant de la chasse aux mammifères marins. La première maison fut érigée en 1895 par Amdrup. La région est bien connue en France grâce aux travaux ethnographiques de Paul-Émile Victor qui hiverna avec une famille groenlandaise dans les années 30.
En Août 1933, le Commandant Charcot, sur son Pourquoi pas ? réussit à prendre une photographie ininterrompue de la côte de Blosseville, dont le peintre de l’expédition Pierre Le Conte fit une série d’aquarelles très précises.
900 km plus au nord la communauté du Scoresby Sund fut fondée en 1925. C’est le plus grand fjord au monde.

Devant nous, les montagnes se dessinent au-dessus des nuages. Encore une vingtaine de milles. Les icebergs et les growlers sont plus nombreux. On repère un fjord protégé par des montagnes de plus de 2000 mètres. Le décor est magnifique. Il nous faut trouver un mouillage, et c’est au pied d’un glacier, sur une moraine que l’on peut poser l’ancre. Loup et Laura sautent dans le zodiac pour poser une amarre à terre. Le bateau est sécurisé et nous pourrons dormir tranquille. La baie est remplie d’icebergs aux formes incroyables, avec piscine intérieure et pics acérés.

Le temps est beau et nous allons explorer les abords du glacier. Nous avons pris l’équipement « anti ours ». Pas de fusil, mais des fusées de détresse si un ours venait à notre rencontre, il aurait le droit à un avertissement avec l’envoi d’une petite fusée dans sa direction. Nous avons également la bombe au poivre… pas sûr que cela suffise devant une bête de plus de 3 mètres et 500 kg.
L’endroit est minéral, avec une roche à nu. Les glaciers et les icebergs apportent une touche de blanc dans ce décor froid, sombre et sauvage. Quelques mousses et lichens, quelques fleurs apparaissent comme des perles venues d’ailleurs. La mer prend une coloration laiteuse d’un vert pastel.
Nous explorons le fjord, et le deuxième glacier est enfermé derrière un amas de glace.

Nous allons mouiller pour la nuit dans un endroit plus calme.
Il faut reprendre la mer, pour descendre vers Kulusuk. A la sortie du fjord un bouchon de glace, petits et gros glaçons. Il faut le contourner vers le large, il fait plus de 8 milles de long. La houle s’invite dans ce décor digne du grand sud. Ça nous rappelle l’Antarctique !
Après plusieurs heures de navigation houleuse nous repartons vers la côte pour trouver un mouillage. Les parois sont abruptes. On rentre dans une petite baie. Pleins d’icebergs sont venus s’y réfugier… l’endroit est sublime, de force et de beauté. Des glaciers se déversent dans la mer. Ce n’est pas le mouillage idéal… mais nous voulons profiter de cet endroit hors du temps, hors du monde, seulement quelques instants. On pose l’ancre.
Philou sort son drone pour immortaliser ce moment. Malheureusement une mauvaise approche, un mauvais contrôle, et le drone atterrit dans la neige. On arrive à le

localiser et Loup avec ses crampons et son piolet part escalader la pente neigeuse.
Quelques petits bobos, mais l’engin est sauf et réparable.
Les glaçons bousculent la Fleur, le zodiac se fait écraser, il faut lever l’ancre rapidement. On repart vers la pleine mer. La mer est forte et la navigation désagréable. Ça roule. Il nous faut avancer et trouver un mouillage tranquille pour la nuit. Je m’assoupis un instant dans le carré mais je reçois une gourde en acier que nous avons dans notre hâte oublié de ranger, sur la tête. Mauvais réveil, mon arcade sourcilière pisse le sang. Nous dénichons une crique sans glace, pas le moindre petit glaçon, le bonheur pour un repos bien mérité.









































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